“La Tête des Autres”: un ouvrage en mémoire des martyrs de la guerre d’indépendance du Cameroun

Après Paris, Yaoundé la capitale politique du Cameroun, c’est autour de Douala de vivre la cérémonie de dédicace d’un nouvel roman du médecin romancier camerounais, Léon Fodzo. Chose faite mercredi 14 mai 2025 à la Clinique Neuropsychiatrique sise à Makepe Vita (5e arrondissement de Douala). « La tête des autres » c’est le titre de l’ouvrage paru en décembre 2024 aux Editions L’Harmattan, objet de la dédicace d’hier.
D’après l’auteur Léon Fodzo : « cet ouvrage parle de la guerre de l’indépendance. Beaucoup ont souffert. J’ai décidé de faire cet ouvrage pour qu’il y ait un souvenir de cette période difficile que nous avons traversé. Les évènements qui se sont déroulés sont indélébiles. La chose était si effroyable qu’on a parlé de génocide. Ce mot génocide, vous le trouverez à plusieurs reprises dans cet ouvrage parce qu’il y a eu une volonté affichée d’extermination de toute une population. Et il faudrait qu’on s’en souvienne. Avant qu’on ne progresse dans l’avancement de l’histoire de notre pays, il est bon de savoir ce qui s’est passé ».
Narré dans un style simple et facile à lire, « la tête des autres » fait un peu suite au précédent ouvrage intitulé : « Les Oiseaux sont de retour », enchaîne Léon Fodzo, faisant référence au Cameroun et au colonialisme. « C’était la période de l’arrivée des Colons dans nos régions alors que « la tête des autres » concerne la période de la fin de colonisation. La question qu’on peut se poser aujourd’hui est : est ce que nous sommes en sortis de cette colonisation ? »
Vendu à 10 000 FCFA, «la tête des autres », selon le journaliste Rodrigue Tchokohoua et modérateur lors de la cérémonie de dédicace à Douala, est dédié « à tous les martyrs de l’indépendance du Cameroun ».
La trame de l’histoire
En route pour Bamiyala, un village imaginaire dans les environs de Bafoussam, région de l’Ouest-Cameroun, Kapindi (le personnage central du livre ) est un digne fils du terroir, il vient d’obtenir avec brio son baccalauréat. Nous sommes en 1963 et comme cerise sur le gâteau le génome de 25 ans a obtenu dans la foulée une bourse de la Coopération française qui lui permet de rêver la poursuite des études supérieures en France. Mais avant, Kapindi doit faire un tour au village question de dire au-revoir à ses parents et profiter de leurs bénédictions, un voyage qui ne sera pas de tout repos vus les barrages policiers et militaires qui jonchent l’unique route nationale construite par la colonisation française, muée en route de répression. A chaque étape il faut montrer patte blanche avec un laisser-passer et ne pas courir le malheur d’être sur la liste de suspects ou des recherchés pour actes de rébellion ou terrorisme.
Kapindi réussira néanmoins à rejoindre le village, ce qui lui permettra de rencontrer ses parents dans les hautes montagnes de l’Ouest. Mais le retour en ville ne sera pas évident vus les affres des colons aux nationaux car dans sa région natale où sévit une guerre sans merci qui oppose l’armée franco-camerounaise aux nationalistes de l’Union des Populations du Cameroun (Upc) déçus par une indépendance qu’ils jugent factice. Kapindi est pris au piège de cet environnement qui ne manque pas de faire naître des confusions quant aux personnages qualifiés ou supposés subversifs et imbus d’eux-mêmes. A cette époque, les ressortissants de l’Ouest comme ceux de la Sanaga Maritime du Nyong Et Kelle sont en effet épinglés comme des personnes difficilement « assimilables ». Et « La tête des autres » qui donne le titre à l’ouvrage, compte si peu pour les colons français qui ont voulu par la décapitation et l’exposition en plein air des têtes coupées, désacraliser le crâne si cher aux peuples de l’Ouest. Le personnage principal du Roman, se trouve ainsi pris au piège dans un tourbillon de confusion entre la phobie d’un supposé terrorisme des nationalistes et le rôle ambigu du parrain de l’indépendance. Il va être menotté et transporté vers Bafoussam, pour être sacrifié à l’autel de l’indépendance, comme de nombreux jeunes compatriotes innocents de cette époque, massacrés dans cette guerre pour la simple raison qu’ils ne voulaient pas faire allégeance aux Colons et Néo colons qui leur tiennent de suppos. Jusqu’ici l’on ne sait ce que Kapindi a pu commettre comme crime ; au cours d’un long interrogatoire, les militaires français voulaient « taper son ventre » et obtenir des informations sur ses deux frères prétendument accusés de terroristes. Évidement Kapindi a répondu et martelé qu’il n’en savait rien, jusqu’à ce que l’attitude teigneuse et insistante des militaires qui le gardaient, l’oblige à craquer et à verser sa colère sur ces colons français. Kapindi venait ainsi de signer son arrêt de mort.
A lire l’ouvrage, Kapindi bien que personnage fictif, donne le sentiment que l’auteur se raconte, ayant lui-même vécu cette guerre d’indépendance du Cameroun, que ce soit à l’Ouest ou dans les autres métropoles camerounaises. Le roman est subdivisé en trois parties : L’espoir pour Kapindi de pouvoir poursuivre les études supérieures en France ; Le doute né des tracasseries lors des procédures des voyages ; puis La révolte de ce que les rêves du jeune Kapindi ne seront pas réalisés. Narré dans un style simple et facile à lire, l’ouvrage de 143 pages a paru en décembre 2024 aux Editions L’Harmattan.
L’auteur
L’auteur, Léon Fodzo, est pédopsychiatre de formation, ancien interne des hôpitaux psychiatriques de Paris. Avant de prendre sa retraite pour se consacrer aux affaires et à l’écriture, Léon Fodzo aura exercé comme psychiatre dans plusieurs hôpitaux de France et du Cameroun. Auteur de quatre (4) précédents ouvrages dont le premier est « Psychiatrie en Afrique : l’Expérience camerounaise » paru en 1997 ; « L’exclusion sociale au Cameroun », 2004 ; « Dépression nerveuse : une maladie en expansion », 2014 ; « Les oiseaux sont de retour », roman paru en 2022 ; puis « La tête des autres », roman paru en décembre 2024 ; tous ces ouvrages ont été édités chez le même éditeur, L’Harmattan.