A l’occasion de la Journée internationale y relative qui s’est célébrée dimanche 10 décembre 2023, la Plateforme des Organisations de défense du Droit au Logement (PLAFODAL) et ses partenaires ont fait le point sur la situation des droits de l’homme au Cameroun. Le sujet a fait l’objet d’une déclaration.
Elle est signée par: Jean Baptiste Bontsebe (Plafodal), Philippe Nanga (Un Monde Avenir), Leon Yanda (Codas Caritas Douala) et Marius Kaptouom (On Est Ensemble), Mgr Hona Tonye (Commission Justice et PAIX), Dora Sende (Cofepre), Maxime Bissay (Acat Cameroun), SIPA Dzualo (Solidarity Association Cameroon), Innocent Sielahe (Dynamique Handi), Chantal Kambiwa (Servitas Cameroon), Daniel Moundzego (Arsf), Yveline Ntanfa (Wcic), Nathalie wokam (WILPF Cameroon), Philippe Nanga (Un Monde Avenir), Viviane Nguimeya (Peace Bus Association), Raphaël Gamini (Afrided), Armand Nouwe (Action solidaire pour la promotion du développement durable) et bien d’autres.
« Mesdames Messieurs,
Il nous revient de constater avec le plus grand désarroi, la montée en puissance de la violation des droits de l’homme au Cameroun, avec une emprise particulière sur la violation du droit au logement en particulier. L’état de dégradation de la situation des droits de l’homme au Cameroun et celui du droit au logement en particulier, est un signe majeur qui pourra conduire à la détérioration du tissu social dans notre pays, si rien n’est fait.
Dans le document portant Stratégie Nationale de Développement SND30 l’Etat du Cameroun reconnaît que « L’habitat, notamment dans les zones urbaines, est essentiellement précaire du fait de l’occupation anarchique de l’espace dans les sites non viabilisés ; ce qui entraîne de graves problèmes d’hygiène et de santé publique, amplifie la vulnérabilité des populations et favorise la dégradation du cadre de vie dans les quartiers populaires. Cette situation est liée aux facteurs tels que : le non-respect des plans d’urbanisation, les difficultés d’accès au foncier, l’urbanisation très rapide, la cherté des matériaux de construction ainsi que les difficultés d’accès au crédit pour les populations à faibles revenus ». Hormis les cas évoqués par le document cité, nous ne saurons omettre les cas d’appropriations foncières illégales, basés sur les documents frauduleux portant sur la propriété foncière et sur les décisions de justice.
De ce qui précède, nous sommes profondément préoccupés par la violation manifeste des simples principes de protection de la dignité humaine, lors des opérations d’évictions et d’expropriation pour cause d’utilité publique. Encore faut-il le rappeler, lesdites évictions s’inscrivent dans la plupart, en marge de toute réglementation en la matière. Les exemples sont légion. Toute la vie ne suffirait pas pour citer les cas dont nous avons connaissance.
Selon le rapport final de l’étude actualisée sur les évictions forcées dans la ville de Douala, menée en 2022 par le Docteur SANAMA, à la demande de la Plateforme des Organisations de défense du Droit au Logement (PLAFODAL), cette pratique s’est accrue de manière alarmante. En effet, la ville de Douala seule enregistre plus de deux cent quatre-vingt-cinq (285 000) familles abandonnées dans les rues, sans abri.
Cette violation flagrante des droits des riverains illustre la continuité d’une tendance alarmante et crée un impact considérable dans leur vie, avec des conséquences sur le plan politico-juridique et socio-économique.
Sur le plan politique
Il est généralement caractérisé par l’absence de participation des populations au niveau de l’organe central de prise de décision, relativement à la politique d’aménagement et de la planification territoriale. Cette absence brille également au niveau des entités décentralisées dans la réalisation de grands projets d’urbanisation pour ne citer que ceux-là. Pourtant, la population est un acteur privilégié du développement durable, ce qui implique impérativement sa participation dans le processus de prise de décisions. Car, elle est la seule habilitée à connaître les réalités et les besoins qui lui sont indispensables pour son bien-être.
D’ailleurs, c’est un principe sacré du Droit international et repris in fine par nos législations nonobstant son inapplication.
Sur le plan juridique
Il convient de relever deux importants aspects qui impactent le bien-être des victimes dans le déroulement du processus judiciaire.
Le premier aspect est relatif à l’abus du pouvoir exercé par les autorités publiques à l’égard des citoyens. Il ressort de cet abus, le non-respect de procédure dans le processus d’éviction et d’expropriation pour cause d’utilité publique, le non-respect de délai prévu dans les Conventions internationales portant protection des droits humains et les lois nationales, parfois caractérisé par l’absence de notification.
Le second point renvoie aux difficultés rencontrées par les victimes et les défenseurs des droits humains parmi lesquelles les menaces, intimidations, les arrestations et détentions arbitraires. En plus de ces délits, le non accès à une justice équitable, la lenteur judiciaire dans la prise de décision, ce qui entraîne parfois le découragement et l’abandon de procédure. Par ricochet, cette activité illégale ne saurait engager la responsabilité des auteurs de telles infractions, afin de réparer les dommages causés ; mais cependant, la pratique semble bien loin des réalités, malgré l’assistance judiciaire et l’accompagnement de la PLAFODAL dans ce processus.
Sur le plan social
Le phénomène d’éviction forcée a toujours impacté les vies des parents et de leurs enfants. Les enfants, en effet, subissent des conséquences effroyables tant sur le plan éducatif ; sanitaire et beaucoup d’autres.
Le droit à l’éducation est un principe fondamental reconnu et garanti au plan national et international : « l’enfant a droit à l’éducation ». Cette obligation qui incombe principalement à l’Etat semble ne pas être respectée. Car les autorités publiques lors de leurs opérations ignorent les établissements scolaires. C’est ainsi que nombreuses sont des écoles primaires démolies, il suffit de faire un tour dans les quartiers rasés pour preuves de confirmation.
La violation de ce droit a conduit les enfants à ne plus poursuivre leur rêve scolaire mais plutôt cause la destruction de leur bien-être. A cet effet, les filles ont embrassé les activités illicites à savoir la prostitution, le mariage non désiré et clandestin ayant pour conséquence les maladies sexuellement transmissibles. Quant aux garçons ils ont emprunté la voie du banditisme ou de la drogue etc.
Sur le plan économique
Cette incidence a fragilisé économiquement les familles victimes des évictions forcées, pour la simple raison que les autorités auraient tout rasé et ne leur ont pas permis d’évacuer leurs biens, source génératrice des revenus. Subitement ces victimes ont du mal à accéder et/ou à louer une habitation à cause du coût élevé de la location.
Au vu de la gravité de la situation, face à cette recrudescence inquiétante des évictions forcées dans la ville de Douala en particulier et les autres villes du Cameroun en général,
Nous, organisations de la société civile, regroupées ou non au sein de différentes plateformes, notamment la PLAFOSCIL, mais tous partenaires de la PLAFODAL, dénonçons :
- La dégradation du respect des droits humains au Cameroun,
- Les évictions inhumaines et illégales perpétrées dans la ville de Douala et d’autres villes du Cameroun ;
- L’utilisation des actes administratifs frauduleux pour procéder aux évictions forcées et de masses.
Proposons,
- De mettre sur pied un cadre de réflexion non seulement pour éradiquer cette pratique mais aussi pour accompagner sur plusieurs plans (psychologique, financièrement, etc.) les victimes et potentielles victimes des évictions forcées.
- Que les pouvoirs publics œuvrent à humaniser le sort des victimes et renforcer la protection des potentielles victimes.
- Que les pouvoirs publics mettent fin au recours des actes frauduleux pour donner suite aux évictions forcées, en procédant à leur vérification de fond en comble.
- Que les pouvoirs publics et leurs démembrements prennent les dispositions pour sécuriser à l’aide des balises et barrières les domaines publics et leurs propriétés privées.
- Que les organisations de la société civile et les pouvoirs publics œuvrent à sensibiliser les populations sur le respect des règles d’urbanisme et de d’occupation du sol ».