La Plateforme pour un État de Droit au Cameroun mise en place par le REDHAC : « Nous rappelons à L’État du Cameroun de s’approprier et de mettre en œuvre les Lignes directrices et mesures d’interdiction et de prévention de la torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique (Lignes directrices de Robben Island) »
Une Conférence de presse contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a été donnée ce mardi 29 octobre 2024 au siège du Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique centrale.
Ci-dessous l’intégralité des propos des panélistes au rang desquels : Philippe Nanga de l’Ong Un Monde Avenir ; Me Calvin Job, avocat au Barreau du Cameroun ; Dr Maximilienne Ngo Mbe, Directrice Exécutive du Redhac ; Barrister Gladys Mbunya, lawyer ; Me Serge Tchieliebou, avocat au Barreau du Cameroun ; Me Tamfu Richard, lawyer ; Me Alice Nkom, Co-Pca du Redhac ; Alex Gustave Azebaze, journaliste...
PROPOS LIMINAIRE
” Mesdames, Messieurs les Journalistes, cher(e)s collègues et ami(e)s
Sur le plan International (ONU)
– Le 19 décembre 1986, le Cameroun a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants.
– Le 15 décembre 2009, il a signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
– Le 14 octobre 2000, le Cameroun a procédé à l’acceptation des procédures de plaintes individuelles pour violation des droits contenus dans la convention contre la torture.
– Le 19 décembre 1986, le Cameroun a procédé aussi à l’acceptation des procédures d’enquête conformément à l’Art. 20 de la CAT.
Au niveau Régional (UA-CADHP)
– Depuis 1981, l’article 5 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples interdit toute forme de torture.
– En octobre 2002, la CADHP a adopté une résolution sur les lignes directrices et mesures d’interdiction et la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique. Pour rappel, le Cameroun est signataire de la Charte Africaine et membre des Nations Unies. A ce titre, il a l’obligation de respecter tous les instruments librement signés et/ou ratifiés.
Or, depuis plus de 02 décennies, en toute impunité, certaines forces de sécurité et autres services ont mis en place les pratiques récurrentes de tortures et autres traitements cruels, inhumains et dégradants.
Le cas de M. Longkana Agno Simon dit Longuè Longuè qui défraie la chronique depuis une semaine n’est qu’illustratif et nous donne une opportunité de mettre à la disposition de la communauté nationale, régionale et internationale en demandant particulièrement au Président de la Commission Africaine le Pr Rémy NGOY LUMBU, Commissaire en Charge du Cameroun, au Rapporteur Spécial sur la Torture, le Commissaire Hatem ESSAIEM, à la Rapporteure Spéciale de l’ONU sur la Torture Alice Jill EDWARDS, de prendre toutes les mesures urgentes pour faire cesser ces pratiques systémiques qui n’honorent pas le Cameroun.
Certaines forces de sécurité qui ont érigé ces pratiques comme règles, ont tétanisé les victimes, au point où ils ont imposé le silence aux victimes et aux populations, y compris ceux et celles qui doivent porter les voix les plus hautes. Comme pour dire : « Si vous l’ouvrez, vous verrez ! ». Comment pouvons-nous continuer à accepter de mourir à petit feu, juste parce que nos droits sur la liberté d’opinion, d’expression, d’association ou de réunion sont mis à rude épreuve par ceux-là mêmes qui doivent les protéger ? Comment pouvons-nous continuer à vivre avec cette impunité ? Même si nous nous félicitons de l’ouverture de l’enquête par le Ministère de la Défense, nous avons en mémoire que les enquêtes se ferment dès qu’elles sont ouvertes et même lorsqu’elles sont allées jusqu’au bout, seuls les exécutants s’en sortent avec des peines mineures alors que les commanditaires sont soit promus, soit maintenus à leurs postes. On prend les mêmes et on recommence !
Si pendant la période post-coloniale, on a lu dans l’histoire ces pratiques sur les UPCistes (Boum Jean Pierre, Rose Nzie, Louka Basile, Mendomo Elisabeth, Ndema Alexis ; Tchindji Kouleu….), il faut dire que les cas de torture, ou autres peines et traitements inhumains ou dégradants se sont multipliés entre 1991 et 1993 avec « une certaine fessée nationale » pour les militants du multipartisme, on peut citer quelques noms : : (Pius Njawe, Mboua Massock, Séverin Tchounkeu, Henriette Ekwe, Anicet Ekane, Me Yondo Mandengue Black, Albert Mukong, Hameni Bialeu, Jean Jacques Ekindi, Samuel Eboua, Charles Tchoungang, Gustave Essaka, Cyprian Tanwie Ndifor, …) ensuite nous, élèves et étudiants qui suivions les pas de ces aîné(e)s à cette époque, avions payé le lourd tribut.
Viendra la jeunesse de tous bords en 2008 qui se battaient contre la vie chère et la modification de la constitution avec en tête de file le chanteur Lapiro de Mbanga. La liste reste non exhaustive.
Malheureusement le Secrétariat d’État à la Défense (SED), la Sécurité Militaire (SEMIL), y compris un peu la Direction Générale de la Recherche Extérieure (DGRE) sont devenus les chambres à torture. Découvrons ensemble l’horreur depuis seulement la guerre dans les régions anglophones du Nord-Ouest et Sud-Ouest 2016, les attaques terroristes Boko Haram 2013 et la crise postélectorale de 2018. Ces pratiques non seulement se sont intensifiées, mais sont filmées à visage découvert, partagées comme pour mettre en garde : « les GRANDES GUEULES ! ».
L’IMPUNITE GENERALISEE : Le Secrétariat d’État à la Défense (SED), la Délégation Générale de la Recherche Extérieures et la Sécurité Militaire (SEMIL) sont devenues les chambres de tortures physiques, d’autres services d’intelligence exercent la torture morale. Il est bon de relever que la police camerounaise est moins concernée par ces pratiques qui sont devenues systémiques et récurrentes, même si on peut relever quelques bavures par ci par là. Nous l’encourageons de garder cette posture.
Pour illustrer ce qui est dit en amont, vous pouvez vous-mêmes vous faire votre propre opinion avec les cas cités ci-après : la liste n’est pas exhaustive.
– Yaoundé 02 août 2019-NOSO : Samuel WAZIZI (journaliste torturé et corps disparu à ce jour)
– Yaoundé le 26 juin 2020 le journaliste Ernest OBAMA, traitements inhumains et dégradants lors de son arrestation ;
– Yaoundé-le 22 septembre 2020 : Polycarpe Essomba, Torturé par les éléments de la Gendarmerie et police à Yaoundé)
– Touboro-05 décembre 2013 : Célestin Yandal, torturé par les éléments de la brigade territoriale de Ngaoundéré) ;
– Yaoundé-le 09 août 2014 : Aboubakar Siddiki, arrêté à Douala, Cagoulé et torturé à Yaoundé au Cachot à la DGRE ;
– Yaoundé-le 27 août 2014 : Me Harissou, Notaire, Déporté de Maroua et torturé à la DGRE ;
– Douala le 07 novembre 2018 : Mimi Mefo, journaliste Équinoxe TV a subi les actes de torture au Tribunal Militaire de Douala et a été inculpée d’atteinte à la sûreté de l’État ;
– Yaoundé-le 21 novembre 2016 : BBX Mancho (torturé au SED)
– Yaoundé-le 26 juillet 2019 : Mamadou MOTA (Torturé au SED)
– Yaoundé le 17 avril 2020 Sébastien EBALA) (arreté et torturé par la SEMIL)
– Yaoundé-le 20 septembre 2021) Dr. Fridolin NKE (Torturé au SED)
– Ngaoundéré-24/03/2024 : Jadowa Babajo : artiste engagé dans l’Adamaoua, torturé à la Semil de Ngaoundéré torturé au cachot pendant 4 mois) ;
– (Yaoundé- dans la nuit du mars 2022) Paul CHOUTA (torturé par les éléments inconnus – (Ngombe Junior (arrêté, torturé et déporté par le SED à Yaoundé pendant que
– Steeve Akame alias Ramond Cotta (déporté en violation des règles, torturé au SED et aujourd’hui placé sous mandat de dépôt à la prion principale de Kondengui
– (Douala-le 04 août 2012) : Pauline Poinsier Manyinga (interpellée par la Gendarmerie de Bonanjo, torturée à mort
– Yaoundé, 22 septembre 2020) : Tchoupo Alvine : torturée au SED pour avoir exercé ses droits à la liberté de réunion et de manifestation ;
– Douala-29 mai 2023 : Me Fabien Kengne (enlevé et torturé par la Semil)
– Douala le 26 janvier 2019 : Me Michelle Ndoki est torturée et emprisonnée à Kondengui ;
– (Douala, le 19 octobre 2020 Salomon Beas est torturé et jeté à la prison de New-Bell)
– Douala-28 janvier 2019 : Célestin Njamen (torturé et jeté en prison à Kondengui )
Les femmes du NOSO ne sont pas en reste. Elles sont les plus torturées, car personne n’en parle, surtout que très souvent, ce sont les tortures morales, psychologiques et les arrestations arbitraires. Nous avons 4 cas :
– Mama NJEI Cecilia âgée de 65 ans qui est en prison depuis septembre 2023. Elle subit depuis des traitements inhumains et dégradants ;
– Abongeh Elisabeth, mère de 4 enfants et avait 5 mois de grossesse au moment de son arrestation. Elle a accouché en prison. Elle subit la torture morale et autres traitements inhumains et dégradants ;
– Nene Daylyda une mère de 3 enfants est arrêtée et torturée avec son bébé de trois mois. Aujourd’hui, le bébé et la mère ont 7 mois de prison. Qu’est-ce que le bébé a fait pour mériter ces actes de torture et autres traitements inhumains et dégradants ? – Bih Marinet : une jeune femme avec 3 enfants a vécu les mêmes tortures
Toutes les 4 sont détenues à la prison principale de Bamenda et ont pu avoir un avocat de circonstance par pitié la semaine passée lorsqu’on les a emmenées au tribunal.
Pour conclure, nous rappelons à l’État du Cameroun de s’approprier et de mettre en œuvre les Lignes directrices et mesures d’interdiction et de prévention de la torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique (Lignes directrices de Robben Island) comme suit :
A. De la Criminalisation
1. Les États devraient veiller à ce que les actes de torture, tels qu’ils sont définis à l’Article 1 de la Convention contre la torture, soient des infractions au regard de leur législation nationale.
2. Les États devraient prêter une attention particulière à l’interdiction et à la prévention des formes de torture et de mauvais traitements liées au sexe ainsi qu’à la torture et aux mauvais traitements infligés aux enfants.
3. Les juridictions nationales devraient avoir la compétence juridictionnelle pour connaître des cas d’allégation de torture conformément à l’Article 5 (2) de la Convention contre la torture
4. Aucune circonstance exceptionnelle, comme l’état de guerre ou la menace de guerre, l’instabilité politique à l’intérieur du pays ou toute autre situation d’urgence publique, ne peut être invoquée pour justifier la torture ou les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
5. Des notions telles que l’état de nécessité, l’urgence nationale, l’ordre public et « public order » ne peuvent être invoquées pour justifier la torture ou les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
6. L’ordre d’un supérieur ne peut jamais constituer une justification ou une excuse légale à des cas d’actes de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
7. Toute personne reconnue coupable d’actes de torture doit faire l’objet de sanctions appropriées proportionnelles à la gravité de l’infraction et appliquées conformément aux normes internationales pertinentes.
8. Nul ne sera puni pour avoir désobéi à un ordre de commettre des actes équivalant à la torture et aux peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
9. Les États devraient interdire et prévenir l’usage, la fabrication et le commerce d’appareils ou substances destinés à la pratique de la torture ou à infliger des mauvais traitements ainsi que l’usage abusif de tout autre appareil ou substance à cette fin.
B. Non-refoulement
10. Les États devraient faire en sorte que nul ne soit expulsé ou extradé vers un autre Etat où il existe un risque sérieux qu’il soit soumis à la torture.
C. Lutte contre l’impunité
11. Afin de lutter contre l’impunité, les États devraient :
12. Prendre des dispositions pour que les responsables d’actes de torture ou de mauvais traitements fassent l’objet de poursuites judiciaires ;
La plateforme pour l’État de droit et le REDHAC exigent que le Cameroun accepte une mission d’enquête indépendante (ONU-CADHP) sur toutes les allégations de torture citées dans ce document et d’autres qui ne sont pas citées, afin que les commanditaires soient poursuivis devant la justice. La Plateforme à travers ses avocats va saisir les mécanismes internationaux pour les cas individuels qui donneront leur consentement à cet effet.
Enfin, la Plateforme qui a été sollicitée par la victime Longue Longue à travers Me Alice Nkom, l’une des Coordinatrices des avocats volontaires, demande à tous les avocats membres de la plateforme de se rapprocher du REDHAC en vue de leur constitution pour ce dossier, mais aussi pour les actions globales de tous les cas suscités. ”
Fait à Douala, le 29 octobre 2024