1. Le Comité a examiné le sixième rapport périodique du Cameroun à ses 2159e et 2162e séances, les 13 et 14 novembre 2024, et a adopté les présentes observations finales à sa 2169e séance, le 21 novembre 2024.
A. Introduction
2. Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée d’établissement des rapports et d’avoir soumis son sixième rapport périodique conformément à cette procédure qui permet d’améliorer la coopération entre l’État partie et le Comité et d’orienter l’examen du rapport ainsi que le dialogue avec la délégation.
3. Le Comité apprécie l’occasion qui lui a été offerte d’engager un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie et accueille avec satisfaction les réponses orales et écrites apportées aux questions et aux préoccupations soulevées pendant l’examen du rapport périodique.
B. Aspects positifs
4. Le Comité constate avec satisfaction que, depuis l’examen de son précédent rapport périodique, l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :
a) La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 28 septembre 2023 ;
b) Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des personnes âgées, le 6 juin 2022 ;
c) Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des personnes handicapées en Afrique, le 6 juin 2022 ;
d) La Convention de 1981 sur la sécurité et la santé des travailleurs (n° 155) de l’Organisation internationale du Travail (OIT), le 1er octobre 2021 ;
e) La Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, le 29 juin 2020.
5. Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réviser sa législation ou légiférer dans des domaines intéressant la Convention, notamment l’adoption des textes suivants :
a) Le décret n° 2020/193 du 15 avril 2020 portant commutation et remise des peines, qui a permis de réduire d’environ un tiers la population carcérale ;
b) La loi n° 2019/020 du 24 décembre 2019 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code pénal, qui prévoit des sanctions plus sévères pour les actes d’outrage aux races, aux religions, à la tribu ou à l’ethnie.
6. Le Comité salue les mesures que l’État partie a prises pour modifier ses politiques et procédures afin de renforcer la protection des droits de l’homme et de donner effet à la Convention, en particulier :
a) L’adoption, en 2023, du deuxième Plan d’action national pour la mise en œuvre de la résolution 1325 et des résolutions connexes du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité (2023-2027) ;
b) L’adoption, en 2022, de la Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre (2022-2026) et du Plan d’action national de lutte pour l’élimination des mutilations génitales féminines (2022-2026) ;
c) L’adoption, en 2020, du Plan d’action multisectoriel pour l’abandon du mariage d’enfants (2020-2024) ;
d) La création, en 2019 de la Commission des droits de l’homme du Cameroun en remplacement de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés, et la mise en place, en son sein, de la Sous-Commission de la prévention de la torture en 2021 ;
e) L’adoption de la lettre-circulaire n° 190256/DV/MINDEF/01 du 18 janvier 2019 du ministre de la Défense, instruisant les forces de sécurité et de défense de respecter l’interdiction absolue de la torture ;
f) La création, en 2018, du Comité national de désarmement, de démobilisation et de réintégration ;
g) L’adoption, en 2018, du Plan d’assistance humanitaire d’urgence pour les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (2018-2019) ;
h) L’établissement, en 2017, de la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme.
C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations
Questions en suspens issues du cycle précédent
7. Dans ses précédentes observations finales, le Comité avait demandé à l’État partie de lui faire parvenir des renseignements sur la suite donnée à ses recommandations concernant : le recours généralisé à la torture dans des centres de détention au secret ; les retours forcés dans l’extrême-nord du Cameroun ; la crise sociale dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest (« crise anglophone ») ; et le dépôt des instruments de ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Compte tenu des renseignements reçus de l’État partie le 14 juillet 2020 sur la suite donnée à ces observations finales, des informations figurant dans le sixième rapport périodique de l’État partie et des informations complémentaires fournies par la délégation pendant le dialogue, le Comité considère que les recommandations formulées aux paragraphes 12, 18 et 20 de ses précédentes observations finales ont été partiellement mises en œuvre et que la recommandation formulée au paragraphe 40 n’a pas encore été mise en œuvre. Ces points sont traités aux paragraphes 9, 17, 23, 27 et 32 des présentes observations finales.
Allégations de graves violations des droits de l’homme dans le cadre des opérations anti-insurrectionnelles
8. Le Comité est profondément préoccupé par la violence généralisée et l’insécurité dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, habitées principalement par la communauté anglophone, en raison des attaques et des affrontements entre les forces de défense et de sécurité et les groupes séparatistes armés, ainsi que dans la région de l’Extrême-Nord, où des groupes armés non étatiques, dont Boko Haram, mènent des attaques terroristes contre des civils. Tout en reconnaissant l’obligation de l’État partie de protéger toute personne relevant de sa juridiction contre le terrorisme, le Comité demeure profondément préoccupé par les nombreuses allégations de graves violations des droits de l’homme commises à l’encontre de civils par les forces de défense et de sécurité, le Bataillon d’intervention rapide, les forces de police et de gendarmerie et d’autres groupes alliés dans le cadre d’opérations anti-insurrectionnelles et par des groupes armés non étatiques. Il est vivement préoccupé par les informations concordantes faisant état de torture et de mauvais traitements, d’exécutions sommaires, de meurtres et de fosses communes, de déplacements forcés, d’attaques délibérées contre les populations civiles, de disparitions forcées, d’enlèvements, de détentions arbitraires et prolongées sans inculpation ni procédure judiciaire, de détentions au secret dans des lieux non officiels ou des centres militaires, de recrutement et de l’utilisation d’enfants dans les hostilités par les groupes armés, de violences sexuelles et fondées sur le genre et de destruction de biens et d’infrastructures civils. Tout en notant les efforts déployés par l’État partie pour faire en sorte que les responsables de ces violations rendent des comptes, notamment en enquêtant sur certains incidents, le Comité déplore l’insuffisance des enquêtes et des poursuites engagées, corroborant ainsi des allégations d’impunité prévalant à l’égard des responsables de ces graves violations (art. 2, 4, 12, 13 et 16).
9. L’État partie devrait :
Prendre immédiatement des dispositions pour renforcer les mesures de protection des civils et exercer un contrôle rigoureux sur les forces de défense et de sécurité, le Bataillon d’intervention rapide, les forces de police et de gendarmerie et les autres groupes alliés dans le cadre d’opérations anti-insurrectionnelles afin de les empêcher d’avoir recours à la torture et aux mauvais traitements, aux exécutions extrajudiciaires, aux disparitions forcées et aux détentions arbitraires ;
Garantir que des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces sont menées sans délai par une entité indépendante sur les allégations de graves violations des droits de l’homme commises par des acteurs étatiques et non étatiques dans le contexte des crises sécuritaires sévissant dans les régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, afin d’identifier, de poursuivre et de sanctionner les responsables et veiller à ce que les victimes aient accès à des recours utiles et puissent obtenir pleinement réparation ;
Mettre en œuvre sans délai les moyens nécessaires afin de localiser, de préserver et de mettre en surveillance les sites présumés de fosses communes afin qu’un mécanisme d’enquête indépendant, doté des ressources techniques nécessaires, puisse mener à bien le processus d’exhumation, d’analyse et d’identification des corps, le cas échéant ;
Prendre urgemment les mesures nécessaires pour rechercher les personnes signalées comme disparues et, en cas de décès, localiser, respecter and restituer leurs dépouilles, et veiller à ce que toute personne qui a subi un préjudice résultant directement d’une disparition forcée d’un proche ait accès à toutes les informations disponibles qui pourraient être utiles pour déterminer où se trouve la personne disparue.
Définition et incrimination de la torture
10. Le Comité prend note du préambule de la Constitution prohibant la torture et les mauvais traitements et considère que l’article 277-3 du Code pénal contient une définition de la torture conforme aux dispositions de l’article premier de la Convention. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que, suivant le système de gradation des peines établi par l’article 277-3 du Code pénal, la peine minimale pour des actes de torture n’impliquant pas la mort de la victime, la privation permanente de l’usage de tout ou partie d’un membre, d’un organe ou d’un sens, ou une maladie ou une incapacité de travail supérieure à trente jours, est de deux ans d’emprisonnement, ce qui est contraire à l’exigence de l’article 4, paragraphe 2, de la Convention de rendre la torture passible de peines appropriées qui prennent en considération la grave nature de ce crime. Il demeure également préoccupé par le fait que, conformément aux articles 90 et 91 du Code pénal, les peines prévues pour des actes de torture pourraient être réduites à un an d’emprisonnement si le tribunal applique des circonstances atténuantes. Enfin, il regrette que l’État partie n’ait toujours pas érigé la torture en infraction imprescriptible (art. 1 et 4).
11. L’État partie devrait amender l’article 277-3 du Code pénal de façon à garantir que le crime de torture soit passible de peines appropriées qui prennent en considération leur gravité, conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention. Il devrait également amender les articles 90 et 91 du Code pénal afin d’exclure l’application de circonstances atténuantes au crime de torture qui seraient susceptibles de réduire la sanction et de la rendre non proportionnelle à la gravité de l’infraction. En outre, il devrait faire les modifications législatives nécessaires de façon à s’assurer que l’infraction de torture n’est pas soumise à la prescription afin d’écarter tout risque d’impunité et de garantir que les actes de torture donnent lieu à une enquête et que leurs auteurs sont poursuivis et punis.
Responsabilité du supérieur
12. Le Comité constate avec inquiétude que le principe de commandement ou de responsabilité du supérieur pour les actes de torture et les mauvais traitements commis par ses subordonnés n’est pas explicitement reconnu dans la législation nationale (art. 2, para. 3).
13. L’État partie devrait amender le Code pénal afin d’intégrer le principe de commandement ou de responsabilité du supérieur pour le crime de torture et d’autres mauvais traitements, selon lequel les supérieurs sont tenus pénalement responsables de la conduite de leurs subordonnés lorsqu’ils sont au courant ou auraient dû être au courant des actes que ceux-ci ont commis, ou étaient susceptibles de commettre, et qu’ils n’ont pas pris les mesures de prévention raisonnables qui s’imposaient ni transmis l’affaire pour enquête et poursuite aux autorités compétentes.
Garanties juridiques fondamentales
14. Tout en prenant note des garanties procédurales visant à prévenir la torture et les mauvais traitements qui sont consacrées par le Code de procédure pénale, le Comité demeure préoccupé par les informations concordantes indiquant que, dans la pratique, les personnes en détention, en particulier celles qui sont arrêtées pour des infractions liées au terrorisme, ne bénéficient pas systématiquement de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur privation de liberté. À cet égard, il lui a été signalé que : a) le droit des personnes en garde à vue d’être informées des raisons de leur arrestation, de la natures des accusations portées contre elles et de leurs droits n’était pas toujours respecté ; b) l’accès aux services d’un avocat n’était pas garanti dans la pratique, en particulier pendant la durée de l’enquête ; c) la réalisation en temps utile, par un médecin indépendant, d’un examen médical visant à déceler des signes de torture et de mauvais traitements ne constituait pas une pratique courante ; d) l’exercice du droit de prévenir un proche ou une personne de son choix était souvent retardé et parfois refusé ; e) les registres des personnes privées de liberté n’étaient pas interconnectés ni centralisés ; et f) les personnes arrêtées étaient souvent présentées devant le juge d’instruction au-delà du délai légal fixé par le droit camerounais, ce qui les exposait à un risque accru de torture ou de mauvais traitements. À ce propos, le Comité note avec préoccupation que, conformément à l’article 119 du Code de procédure pénale, la garde à vue peut s’étendre jusqu’à six jours sur décision motivée du Procureur de la République (art. 2).
15. Le Comité exhorte l’État partie :
a) De veiller à ce que toutes les personnes détenues bénéficient, en pratique, dès le début de leur privation de liberté, de toutes les garanties juridiques fondamentales pour la prévention de la torture, indépendamment du motif de la garde à vue, et notamment des droits suivants :
i) Être informées, dans une langue qu’elles comprennent, de la raison de leur arrestation, de la nature des accusations portées contre elles et de leurs droits ;
ii) Être assistées d’un avocat indépendant de leur choix aux différentes étapes de la procédure judiciaire, y compris pendant la phase d’enquête, et avoir accès, si nécessaire, à une aide judiciaire qualifiée, indépendante et gratuite ;
iii) Être examinées par un médecin indépendant gratuitement ou par un médecin de leur choix, en plus de tout examen médical qui pourrait être réalisé à la demande des autorités, les examens médicaux devant être pratiqués hors de portée de voix et hors de la vue des policiers et du personnel pénitentiaire, à moins que le médecin concerné ne demande expressément qu’il en soit autrement, conformément au principe du secret médical ;
iv) Avoir la garantie que leur dossier médical est immédiatement porté à l’attention d’un procureur chaque fois que les conclusions ou des allégations donnent à penser que des actes de torture ont pu être commis ou des mauvais traitements infligés ;
v) Pouvoir informer un membre de leur famille, ou toute autre personne de leur choix, de leur détention ;
vi) Voir leur détention enregistrée dans un registre central ;
vii) Être présentées devant une autorité judiciaire indépendante dans les plus brefs délais, afin d’assurer le contrôle des motifs du placement en garde à vue et du renouvellement de cette dernière ;
viii) Pouvoir contester la légalité de leur détention à n’importe quel stade de la procédure.
b) D’amender le Code de procédure pénale afin de s’assurer que la durée maximale de la garde à vue n’excède pas quarante-huit heures et ne soit renouvelable qu’une fois uniquement dans des circonstances exceptionnelles dûment justifiées par des éléments tangibles. L’État partie devrait également fournir une formation adéquate et régulière aux fonctionnaires impliqués dans des activités relatives à la détention, concernant les garanties juridiques fondamentales, contrôler le respect des dispositions qui les réglementent et sanctionner tout manquement de la part des fonctionnaires.
Réfugiés et demandeurs d’asile
16. Tout en saluant la politique de l’État partie qui accueille un nombre important de réfugiés et demandeurs d’asile, notamment nigérians et centrafricains, le Comité demeure préoccupé par des informations concordantes selon lesquelles des demandeurs d’asile nigérians, y compris des enfants non accompagnés ou séparés de leur famille, ont été victimes d’expulsions collectives pour collaboration supposée avec des mouvements terroristes sans avoir eu accès à une procédure d’asile équitable et effective, en violation du principe de non-refoulement. Il regrette également l’absence d’informations sur les garanties contre le refoulement prévu dans la législation nationale. En outre, il demeure préoccupé par des informations reçues concernant des allégations de détentions arbitraires, de mauvais traitements, d’actes de violence, d’exploitation sexuelle et d’extorsion à l’encontre des réfugiés et demandeurs d’asile nigérians dans la région de l’Extrême-Nord par les forces armées. Il s’inquiète aussi des informations concernant les conditions de vie précaires dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, notamment en raison de la surpopulation et de l’insuffisance d’eau, de nourriture et de soins de santé. Enfin, le Comité est préoccupé par le fait que les demandeurs d’asile qui ont été victimes de torture pourraient ne pas être effectivement identifiés à leur arrivée dans le pays et ne pas bénéficier de services de soutien adéquats (art. 2, 3 et 16).
17. L’État partie devrait :
a) Adopter des mesures juridiques et procédurales appropriées pour que tous les demandeurs d’asile et toutes les autres personnes nécessitant une protection internationale qui arrivent à ses frontières, quels que soient leur statut juridique et leur mode d’arrivée, bénéficient de procédures équitables et efficaces de détermination du statut de réfugié et ne soient pas refoulés ;
b) Garantir le respect du principe de non-refoulement en veillant à ce que, dans la pratique, aucune personne ne soit expulsée, refoulée ou extradée vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risquerait d’être soumise à la torture ;
c) Mener des enquêtes sur tous les cas de détentions arbitraires, de mauvais traitements, d’actes de violence, d’exploitation sexuelle et d’extorsion à l’encontre des réfugiés et demandeurs d’asile, et veiller à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et condamnés à des peines appropriées et que les victimes et les membres de leur famille obtiennent une réparation adéquate ;
d) Améliorer les conditions de vie des réfugiés et demandeurs d’asile dans les centres d’accueil ;
e) Mettre en place des mécanismes et des procédures efficaces permettant d’identifier, parmi les demandeurs d’asile et les autres personnes nécessitant une protection internationale, les personnes vulnérables, notamment les victimes de torture ou de mauvais traitements, permettre à ces personnes d’accéder prioritairement à la procédure de détermination du statut de réfugié et les orienter sans délai vers les services appropriés.
Personnes déplacées à l’intérieur du pays
18. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles un nombre important de personnes déplacées, en raison notamment de la violence généralisée et des crises sécuritaires dans certaines régions du pays, vivent dans des camps dans des conditions précaires. Il s’inquiète, en particulier, des informations faisant état de violences sexuelles et sexistes subies par des femmes et des filles déplacées à l’intérieur du pays (art. 2 et 16).
19. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour améliorer les conditions de vie et la protection des personnes déplacées à l’intérieur du pays. Il devrait, en particulier, prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que les femmes et les filles déplacées sont efficacement protégées contre les violences sexuelles et sexistes et veiller à ce que tout cas donne lieu dans les plus brefs délais à une enquête approfondie, que les auteurs soient traduits en justice, et que les victimes obtiennent une réparation adéquate. En outre, il devrait accélérer la mise en place de solutions durables pour les personnes déplacées, dans le respect des normes internationales applicables, notamment les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays.
Conditions de détention
20. Le Comité note les mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions dans les lieux de détention, notamment l’adoption du décret n° 2020/193 du 15 avril 2020 portant commutation et remise des peines, qui a permis de réduire d’environ un tiers la population carcérale, et de la lettre-circulaire n° 01/LC/MINJUSTICE/CAB/SEAP du 18 mars 2020 du ministre de la Justice relative au renforcement des mesures sanitaires et de sécurité dans les prisons. Toutefois, il demeure très préoccupé par les informations concernant la surpopulation carcérale chronique (164,25% au 15 avril 2024), principalement en raison du recours abusif à la détention provisoire et de son utilisation prolongée, et les mauvaises conditions matérielles de détention dans de nombreux lieux de privation de liberté, en particulier l’insalubrité et le manque d’hygiène, l’absence de ventilation, la qualité inadéquate de la nourriture et de l’eau, fournies en quantités insuffisantes, ainsi que le manque d’activités récréatives ou éducatives favorisant la réinsertion. En outre, l’accès limité à des soins de santé de qualité, y compris en matière de santé mentale, et le manque de personnel pénitentiaire formé et qualifié, y compris de personnel médical, continuent de poser de graves problèmes dans le système pénitentiaire. Le Comité est également préoccupé par les informations concernant l’ampleur de la violence carcérale, notamment la violence commise par les membres du personnel pénitentiaire sur les détenus et la violence entre détenus, par l’absence de séparation effective entre prévenus et condamnés et entre enfants et adultes dans de nombreux établissements, et par le manque de mesures prises pour répondre aux besoins particuliers des détenus vivant avec un handicap (art. 2, 11 et 16).
21. Le Comité exhorte l’État partie à intensifier ses efforts pour rendre les conditions de détention conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), y compris en allouant davantage de ressources à ces efforts, en s’appuyant autant que possible sur le soutien de la communauté internationale. L’État partie devrait notamment :
a) Décongestionner les prisons en ayant davantage recours aux mesures de substitution à la détention, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) et aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok), poursuivre la mise en œuvre des projets de développement des infrastructures pénitentiaires et d’amélioration des conditions de détention, et veiller à ce que la détention provisoire ne soit imposée qu’à titre exceptionnel pour des périodes limitées et dans le respect de la loi, en tenant compte des principes de nécessité et de proportionnalité…