Un atelier d’information et de partage d’expériences avec les acteurs judiciaires et autres collaborateurs de la chaîne de protection s’est ouvert ce lundi 9 décembre 2024 à l’hôtel La Falaise de Douala Bonanjo.
UN EXTRAIT DE L’ALLOCUTION DE CIRCONSTANCE DU CHEF D’ANTENNE RÉGIONALE DE LA CDHC POUR LE LITTORAL
« Au lendemain du passage de l’Etat du Cameroun devant le Comité des Nations Unies contre la torture, à l’occasion de sa 81e session ordinaire qui s’est tenue du 28 octobre au 22 novembre 2024, au Palais des Nations à Genève, il est bon de rappeler que tout État, en tant qu’ordonnateur et dépositaire de la violence physique légitime, peut faire recours à ses moyens militaires et policiers pour maintenir l’ordre, protéger les personnes et les biens, ainsi que l’intégrité territoriale et l’unité nationale. Il arrive cependant que quelques Droits de l’homme soient en péril à ces occasions, du fait de la négligence, de l’ignorance, de la méconnaissance ou de l’excès de zèle.
C’est dans ce sillage qu’il convient de déplorer toute pratique de détention qui porte atteinte à la dignité humaine, à la sacralité de la vie et à l’inviolabilité de sa personne. C’est pourquoi la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996 rappelle que : « [t]oute personne a droit (…) à l’intégrité physique et morale. Elle doit être traitée en toute circonstance avec humanité. En aucun cas, elle ne peut être soumise à la torture, à des peines ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
En dépit des voies de fait, humiliations et autres traumatismes auxquels ils sont eux-mêmes quotidiennement exposés, les membres des Forces de maintien de l’ordre ou de manière générale les Forces de défense et de sécurité (FDS) ne doivent jamais se laisser submerger par un quelconque désir de vengeance dans l’application de la loi. Certes encore, les États jouissent d’une « ample marge d’appréciation » lorsqu’ils font face à un péril grave menaçant la vie de la nation comme dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme ou dans la riposte antiterroriste. Il n’en demeure pas moins que les mesures dérogatoires souvent admises en pareilles circonstances sont toujours susceptibles d’être soumises au contrôle et sanctionnées.
En effet, la légitimation de la coercition légitime n’intervient pas aux dépens des Droits de l’homme. À cet égard, point n’est besoin de rappeler que le Chef de l’État, chef suprême des forces armées, S’est Lui-même engagé à renforcer le respect des Droits de l’homme au sein des Forces de défense et de sécurité (FDS). Ainsi, dans l’allocution qu’il a prononcée à l’occasion du triomphe de la 37e promotion de l’École militaire interarmes de Yaoundé, le président de la République, Son Excellence Paul Biya, s’est adressé aux Forces de défense et de sécurité le 24 janvier 2020 en ces termes [je cite] : « en accomplissant vos missions, vous vous devez de respecter les Droits humains ». C’est dire que la responsabilité pénale individuelle des membres des Forces de défense et de sécurité peut être engagée du fait de violations des Droits de l’homme et d’infractions graves au Droit humanitaire, y compris en ce qui concerne la pratique de la torture.
De surcroit, c’est bien parce que la torture représente l’une des plus horribles violations des droits de l’homme que l’État camerounais a pris la mesure du problème en faisant de la Commission des Droits de l’homme du Cameroun, le Mécanisme National de Prévention de la Torture, conformément à l’article premier de la n° 2019/014 du 19 juillet 2019 qui la crée, l’organise et régit son fonctionnement. À ce titre, l’alinéa premier de l’article 8 de cette loi dispose que la Commission des Droits de l’homme du Cameroun « effectue des visites régulières inopinées ou notifiées de tous les lieux de privation de liberté ; engage un dialogue constructif avec les autorités chargées de l’administration et de la gestion desdits lieux ou toute autre autorité ; participe au suivi de la mise en œuvre des observations formulées par le Sous-comité de la prévention de la torture des Nations Unies ».
Le message est clair : il s’agit pour notre pays de mettre un terme à la pratique de la torture dans les lieux de détention. Ce qui justifie la multiplication des visites notifiées ou inopinées des lieux de privation de liberté par la Commission des Droits de l’homme du Cameroun sur l’étendue du territoire national, et ici dans la Région du Littoral, par l’entremise de l’Antenne régionale dont j’ai la charge. C’est au total plus d’une centaine de visite réalisée par cette Antenne au courant de l’exercice 2024. Vous en aurez la quintessence au cours des travaux de cet atelier. Il faut également dire que la Commission des Droits de l’homme du Cameroun a institué un numéro court, le 1523, qui est gratuit et accessible à tous pour dénoncer toute violation de Droits de l’homme, y compris tout acte de torture.
Le présent atelier sera certainement l’occasion de revisiter, dans une démarche constructive, les bonnes pratiques de détention ainsi que les alternatives à la pratique de la torture dans les lieux de privation de liberté.
Encore mieux qu’un atelier, il s’agit en réalité d’une session de dialogue entre acteurs avertis, car je reste convaincu que nous sommes dès cet instant engagés dans un « rendez-vous du donner et du recevoir ». Je formule par conséquent le vœu que nos débats soient interactifs, instructifs et constructifs. »