David Tomoh : «C’est au moins 6 projets à Banwa qui tombent à forclusion à cause des entreprises de Pierre Kwemo»
Entretien avec le Maire de Banwa, victime d’une tentative d’assassinat dans la nuit du 16 mai 2023 et dont toutes les initiatives prises pour faire rentrer les fonds dans la caisse de cette commune pourtant pauvre, tombent à l’eau du fait de certaines personnes mal intentionnées.
Monsieur le Maire, que se passe t-il à la Commune de Banwa et qui crée tant de conflits entre vous et le député Pierre Kwemo?
Le problème c’est que quand Kwemo prend le marché en 2021, c’est par mon prédécesseur qui attribue le marché aux entreprises du député, sous la contrainte. Le député menaçait de mort mon prédécesseur au motif que s’il n’attribue pas les marchés aux entreprises de Kwemo, ce dernier fera tout et tout pour le déposer. Moi je viens en mi 2021-2022 (précisément le 23 juillet 2021 et je poursuis avec le mandat du précédent maire), je monte les projets. Voilà le président ( le député qui est le président de l’Union des Mouvements Socialistes, UMS, Ndlr) qui commence aussi à me faire des menaces si je ne lui donne pas les marchés. Je lui dit: mr le président, vous avez pris le marché de l’électricité du village Bameleck ( arrondissement de Banwa, Ndlr), du village Fomessa 2 (autre arrondissement de Banwa, Ndlr), vous n’avez pas réalisé, comment est ce que je peux encore vous donner une route quand moi je sais que vous n’avez même pas un engin dans vos entreprises car même pour attribuer le marché, le maire doit chercher à savoir si vous avez les capacités de réaliser ce marché. Le maire n’attribue pas le marché seulement parce qu’il faut attribuer à quelqu’un.
Pourquoi le projet de la route est tombé à forclusion au grand désarroi des populations?
Nous avons une amicale de conseillers. Quand il a mis la pression sur moi pour le projet de la route, je suis allé à l’amicale qui a 25 conseillers (22 contre 3), je pose le problème des menaces que je reçois ( si je ne lui donne pas le marché de la route à 57 millions de Fcfa, il fera tout pour me déposer ou qu’il est capable d’envoyer les gens m’assassiner). Je dis aux conseillers: ok, donnons-lui cette route, peut-être qu’il pourra se rattraper pour notre campagne en 2025. Certains étaient d’accord. D’autres, pas. Toutefois, j’ai plaidé. Ils ont accepté. A cause de Mr. Kwemo, j’ai eu des problèmes avec le président de la Commission interne de passation des marchés (il est un ancien) qui ne voulait pas que je donne ce marché à monsieur Kwemo. Je suis allé à Yaoundé demander le gré à gré au ministre en proposant les 3 entreprises de l’honorable Pierre Kwemo. Chose faite et j’ai passé le marché à son entreprise. Une semaine après, les travaux de construction de la route n’ont pas démarré. Le temps passe. A un moment donné, j’ai compris qu’il n’avait pas les capacités de faire ce travail. J’ai pris contact avec un prestataire qui a proposé de donner 5 millions de Fcfa pour qu’on lui sous-traite le marché. Ils ont refusé en demandant 20 millions Fcfa. Chose que le prestataire a refusé. Le temps continue de passer. Le travail n’est pas effectué au point qu’en 2022 , le projet est tombé à forclusion.
Que s’est-il passé par la suite?
Je monte encore cette année 2023 un projet de gravillonnage de 3 km sur cette même route pour un coût de 170 millions Fcfa. Voilà là où ma tête est en jeu parce que je refuse de donner ce marché aux entreprises de l’hon. Kwemo. Je lui dis: l’électricité, vous n’avez pas fait. La route de l’an dernier, vous n’avez pas fait. Comment voulez-vous que je vous donne cet autre marché. Il a au moins 25 entreprises. Si vous lancez l’avis d’appel d’offres ouvert, il viendra avec ses entreprises et fera tout pour prendre le marché. J’ai voulu le contourner et aller voir le ministre en proposant une autre entreprise: celle qui a gravillonné la route au centre-ville de Banwa. J’ai aussi proposé l’entreprise du maire de Melong car je sais qu’il dispose des engins adéquats pour le travail. J’ai proposé enfin une entreprise à Nkongsamba. Tout ce que je faisais, j’informais mes adjoints. Pendant que je suis à Yaoundé pour chercher le gré à gré. Le 1er adjoint appelle Pierre Kwemo pour l’en informer. Ce dernier est allé voir, à son tour, le ministre des marchés publics qu’il dit être son ami . Revenu, Pierre Kwemo demande aux 1er et 2e adjoints de recenser les conseillers afin de rédiger une pétition m’enlevant le droit de signature sur les marchés publics. On a donné 100 000 Fcfa aux conseillers qui se sont partagés en 5000 Fcfa chacun et ont fait le travail voulu. Ils étaient 17 sur 22. Ils ont signé la pétition qui demande au ministre de m’enlever le droit de signature sur la gestion des marchés publics et confie à mes adjoints. Or, la loi n’a pas prévu cela. Lundi 15 mai 2023, Pierre Kwemo fait une réunion au foyer communautaire de Banwa toujours concernant cette pétition pour laquelle les conseillers ont dit que s’il ne leur donne pas d’argent, ils ne signent pas. Il propose de leur donner un million de Fcfa mardi 16 mai, jour de lancement de la fête de l’unité chez nous. J’étais conviée au lancement. Peut-être que si je partais à cette réunion-là, il devait avoir mort d’homme puisque je devrais être obligé d’expliquer la vérité à la population surtout concernant le projet de route qui n’a pas été réalisé. Peut-être quand il me plaçait à la mairie, il croyait que je devais être une marionnette à manipuler comme il veut. Non. Je suis là d’abord pour les populations, je suis un enfant Banwa. Je dois travailler pour le bien-être des populations. Je ne peux pas accepter de jeter Banwa dans la poubelle comme ils sont en train de faire au niveau de la mairie de Bafang. C’est au moins 6 projets à Banwa qui tombent à forclusion à cause des entreprises de Pierre Kwemo.
Monsieur le Maire vous vous sentez désormais en insécurité ainsi que votre famille, racontez-nous le film de cette tentative d’assassinat qui a fait le tour de la toile ces jours…
Concernant la scène produite le 16 mai, le 2e jour qu’il faisait sa réunion. Lorsque nous finissons le lancement de la fête de l’unité, je monte pour aller voir le délégué des travaux publics à Bafang. Il parait que des gens m’ayant vu à Bafang, m’ont filé quand je rentrais autour de 21 heures. Pierre Kwemo a fini sa réunion à Banwa à 20h. Il quitte Banwa et vient au niveau de la colline Diamoni où il s’arrête avec des gros bras. On me file et on lui donne des informations. Nous, on engage la colline ( le chauffeur, moi et un petit qui travaille avec moi au niveau de la mairie). Au milieu, on voit des gens descendre avec leurs véhicules à point mort. J’ai demandé au chauffeur de serrer la voiture et laisser les autres passer. La première voiture nous traverse et nous barre par derrière. L’Hon. Kwemo lui-même vient avec sa voiture et bloque la mienne par devant à 2 mètres. On voit comment les gens sortent de la voiture, se concertent, commencent à porter des gants, des pierres, j’ai demandé à mon chauffeur de ne pas paniquer, de faire des manoeuvres de la voiture et de foncer sur Kwemo qui a bondi sur sa voiture. Ses gros bras croyaient qu’il était touché et mort. Voilà comment nous avons foncé dans la rigole et continuer notre chemin dans la rigole. C’est comme cela que nous avons eu la vie sauve. Arrivé au niveau du village Bakondji, j’ai appelé Mme le sous-préfet pour lui faire part de tout cela qui m’a dit d’aller me reposer et de ne dire à personne ce qui venait de se passer. J’ai trouvé cela suspect.
Avez-vous signalé à la gendarmerie ou à la Compagnie de bafang (Haut-Nkam)?
Je l’ai fait car je venais d’échapper à un coup et la réaction du sous-préfet m’a davantage inquiétée. Après la gendarmerie, je suis rentrée chez moi. Une idée m’est venue d’appeler un contact qui était parmi le groupe qui voulait me tuer (et que j’avais fait venir de Douala pour l’aider à trouver un emploi à la mairie de Bafang). Ce dernier joint au téléphone m’a dit que s’il ne portait pas les gants comme les autres, il risquait aussi sa vie. Je l’ai vu porter les gants. Il m’a expliqué tout ce qui devait se passer là-bas sur cette colline. Actuellement, je suis au niveau de la Compagnie de Bafang (Haut-Nkam) avec tous ces gens. On m’a déjà entendu ainsi que le chauffeur et le petit avec qui j’étais dans la voiture. La suite sera au tribunal. (En rappel, bien avant tout ce drame, le maire a adressé le 16 mai 2023 une correspondance au sous-préfet de l’arrondissement de Banwa avec comme objet: Menaces de troubles à l’ordre public; Relativement aux sessions extraordinaires du conseil municipal convoquées les 15 et 16 mai par le président Pierre Kwemo, comme en attestent les documents en notre possession, Ndlr).
Entretien mené avec Linda Mbiapa